Suite à mon précédent article «Où sont les pères ? », un lecteur m’a posé une belle question qui m’a fait un beaucoup réfléchir : comment devenir père sans avoir eu de père ?
Ce sujet est à la fois sensible et complexe. Depuis un certain temps je m’interroge également sur la parentalité. L’être humain en grandissant, fonctionne beaucoup par imitation. Plus tard, il reproduit ce qu’il a vu faire ses aînées ou ses parents. L’équation serait alors simple : il faut imiter un père, pour être un père. Mais que faire quand on en a pas eu ?
Je me permets de vous raconter en quelques lignes l’histoire de Karlo, qui à mon avis illustre bien le sujet.
Karlo est un jeune homme de 24 ans. Même si son histoire de vie n’a pas bien commencé, il y travaille aujourd’hui pour lui donner un autre sens.
A la naissance de Karlo, ses parents (Antoine et Maria) n’étaient pas ensemble. A l’époque, ils étaient de jeunes apprentis qui se connaissaient à peine. Quelques semaines après leur première relation sexuelle, Maria découvrit qu’elle était enceinte…
Antoine n’avait pas accepté la responsabilité de la grossesse. Il avait trop de projets pour être papa à 17 ans. Pour éviter les tensions, ses parents le déménagèrent dans une autre ville. Maria qui était aussi du même age ne supportait pas l’idée d’être une jeune mère célibataire. Elle éprouvait de la honte et se cachait du regard de l’entourage. Face à cette situation, la famille de Maria prit la décision de confier la responsabilité du petit Karlo à Jada, une tante maternelle de Maria. Quelques mois plus tard, Maria quitta à son tour la ville pour continuer son apprentissage ailleurs.
En grandissant, Karlo n’avait aucun repère en ce qui concerne la vie et en particulier la vie d’un jeune garçon. Bien qu’il était sous la responsabilité de Jada (sa grande tante maternelle), Karlo avait une éducation de rue. En effet, Jada n’avait pas le temps de s’occuper de lui, toujours emportée par ses « business ».
Karlo trouvait du plaisir à être avec les garçons du quartier. Il se sentait aimé et accompli à travers leurs compliments. Chaque fois qu’il faisait des cadeaux à ses amis, ces derniers ne manquaient pas de lui chanter des louanges. Pour continuer à jouir de ce plaisir et garder sa position au seins du groupe, Karlo n’hésitait pas à s’engager dans des actes criminels tels que les vols ou les braquages. La satisfaction qu’il lisait sur les visages de ses amis lui donnait le sentiment d’être une personne importante et fiable. Sa seule motivation était de plaire et d’être accepté.
Jusqu’à ses 20 ans Karlo n’eut aucune relation avec Antoine son père. Le jour de son 20 ème anniversaire, il fut arrêté par la police pour vol à main armée.

Deux ans plus tard, Tanisha, une fille avec qui il a été intime quelques jours avant son arrestation, lui rendit visite. Elle lui présenta la photo d’un petit garçon. La ressemblance entre Karlo et l’enfant était assez flagrante. Nul besoin de le démontrer, il était le père biologique de cet enfant. En regardant l’image du petit, Karlo prit la décision d’être présent dans sa vie et d’être un « bon père ». Mais il ne savait pas comment s’y prendre. « Et d’ailleurs, un bon père c’est quoi ? Est-ce que cela existe réellement? «
En prison, Karlo avait rencontré Jerry, un monsieur d’une petite soixantaine. Dès son premier jour, Jerry l’avait pris sous son aile. Il lui avait enseigné beaucoup de choses en s’appuyant ses expériences personnelles et ses lectures. Tant qu’il le pouvait, Jerry faisait de son mieux pour transmettre des valeurs aux jeunes qui arrivaient au centre de détention et qui avaient une chance de sortir. Lui, même s’il était à présent un autre homme, il paiera toute sa vie ses erreurs de jeunesse. Il voulait épargner ce sort à d’autres jeunes. Pour Karlo, Jerry était devenu un mentor, un peu comme le père qu’il n’a pas eu. Lorsqu’il lui fit part de l’existence de son fils et de ses questionnements, voici la réponse qu’il lui donna
– Mon cher Karlo, je t’ai appris beaucoup de choses durant ces mois que nous avons passés ensemble. Tu t’es beaucoup amélioré, je peux le constater jour après jour. Maintenant, te voilà en face d’une belle opportunité. Etre père, c’est une belle expérience qui te forme au même moment que tu formes l’autre (ton enfant). Vois-tu, l’essence de la parentalité repose sur 3 éléments: être authentique, être présent, et transmettre. L’objectif c’est d’aider ton enfant à manifester son potentiel. Cependant pour être capable de jouer ce rôle efficacement, il te faudra dans un premier temps appliquer la règle N°2. Je t’en avais parlé durant tes premiers jours ici. T’en souviens-tu ?
– Oui bien sûr Jerry! Comment puis-je oublier, le pardon
– Parfait ! Tu te demandes peut-être qu’est-ce que le pardon a à voir avec la parentalité ou le fait d’être un bon père ? Si tu veux apporter un changement dans ton histoire et dans celle de ton fils, le chemin du pardon est alors inévitable. Il est avant tout nécessaire de te pardonner toi-même pour tes erreurs, et les ressentis négatifs dont tu t’es nourri durant toutes ces années. En effet c’est difficile d’éduquer un enfant si ton être intérieur n’est pas libre et disponible.
Souvent le pardon est perçu comme un signe de faiblesse par notre société. Mais en réalité pardonner ce n’est pas pour les autres, c’est d’abord pour soi-même.
Pardonner c’est décider de se faire du bien malgré le mal que l’autre peut nous faire. Comme dans ton cas, un jeune homme qui a subit le rejet de la part de ses parents, pourrait avoir du mal à pardonner. Les souffrances vécues à cause de leurs absences et leurs abandons produisent un sentiment négatif à leur égard. Crois moi, c’est difficile d’être soi même un bon parent quand on a des sentiments négatifs vis à vis de ses ascendants. Tu risques de reproduire inconsciemment ce qu’ils ont fait dans le passé. Tant que tu ne pardonnes pas, ton esprit reste tourné vers le passé. Il te sera alors difficile de profiter du présent avec ton fils et de lui créer un environnement serein.
Cependant, en prenant la décision de pardonner, tu te libère des énergies négatives pour te focaliser sur l’essentiel. Lorsqu’une personne refuse de pardonner, elle ressemble à un gardien de prison. Cette personne n’est pas libre, puisqu’elle est occupée à garder ceux qui lui ont fait du mal. Cependant, cela n’apporte aucun intérêt. Au contraire, cette attitude lui fait perdre du temps et de l’énergie. Le pardon te permets de diriger ton énergie vers les choses les plus importantes de la vie.
Enfin, le pardon te permettra d’être bienveillant envers toi-même lorsque tu commettras des erreurs dans l’éducation de ton enfant. Il t’aidera aussi à ne pas être trop regardant sur les erreurs qu’il fera.

Pour le reste, soit à l’écoute de ton fils et aime-le. D’ailleurs, tu ne peux pas aimer sans pardonner. Ces deux verbes marchent toujours ensemble. Tu peux le faire mon petit….
Cher lecteur, j’espère que cette histoire de Karlo vous aura apporté une réponse. Pour ma part, elle m’a été très instructive, raison pour laquelle je tenais à la partager avec vous. N’hésitez pas à écrire en commentaire ce que vous avez retenu à travers l’histoire de Karlo. Si vous avez d’autres clés pour aider les futurs parents, je vous encourage à nous les partager.
Votre amie
Gift
Bravoo!
Merci!
J’aimeJ’aime